Les interactions entre pétrole et gouvernance en Afrique sont de plus en plus étudiées compte tenu des doutes et des inquiétudes qu’elles soulèvent à juste titre.
Un premier fait doit être souligné d’emblée : la démocratie gagne du terrain dans les économies pétrolières ; parallèlement, des pays déjà démocratiques deviennent producteurs de pétrole. Toutefois, l’analyse suggère que la démocratie, loin de résoudre les problèmes que peuvent poser les ressources pétrolières, risque de les aggraver. À ce jour, la démocratie et la richesse en ressources naturelles forment un attelage qui ne contribue pas nécessairement au développement économique, du moins pas à n’importe quelles conditions.
Le point central en est le clientélisme. Si elle est pensée dans une acception étroite comme simple « système de compétition électorale », la démocratie ne fait rien pour diminuer l’incitation à la mauvaise gestion des revenus pétroliers. Au contraire, dans un système à élections, ces revenus encouragent le monde politique à se désintéresser de la fourniture de biens collectifs au profit d’un clientélisme permettant d’acheter les leaders d’opinion capables d’influencer les électeurs. Ces pratiques en viennent à perturber les politiques publiques, et donc la croissance économique : on peut ainsi montrer que les démocraties riches en ressources naturelles ont tendance à sous-investir, en dépit de leurs moyens importants, et que de plus elles investissent mal, selon des taux de rentabilité plus faibles qu’ailleurs.
Faut-il pour autant applaudir les autocraties pétrolières ? Même si, dans certaines conditions, l’autocratie semble agir de façon satisfaisante du point de vue restreint de la croissance économique, elle produit généralement des effets très négatifs dans les contextes de forte diversité ethnique. L’incroyable réussite de la Chine séduit beaucoup d’Africains autocrates mais le parallèle est trompeur. Dans les sociétés diverses ethniquement, l’analyse économétrique montre que l’autocratie réduit globalement la croissance. Voilà qui éclaire pourquoi, dans le contexte africain, les économies pétrolières autocratiques n’ont pas réussi à créer les conditions d’un développement.
Toutefois, la simple introduction de la compétition électorale ne suffit pas à surmonter le blocage de la croissance dû à l’autocratie ; elle ne fait que les transformer en un gaspillage des ressources encore plus diffus, par le biais du clientélisme. Dans une situation de diversité ethnique et de revenus pétroliers, la compétition électorale est nécessaire mais pas suffisante. Pour tirer parti de ses ressources pétrolières, l’Afrique devrait développer ses mécanismes constitutionnels de contrôle du pouvoir politique, bref une forme plus mature de démocratie.
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